Résumé :

Trouble primaire du langage au Québec en 2016

 

La dysphasie est un trouble grave du développement du langage. La dysphasie touche entre 7,4 % et 9,4 %. C’est un trouble fréquent, mais méconnu.

Les troubles associés à la dysphasie sont la norme (TDAH, anxiété, troubles praxiques, etc.) et non l’exception. Parmi les troubles neurodéveloppementaux, la dysphasie est une des plus fréquents, mais un des troubles les moins étudiés (Dorothy Bishop- RALLI campaing).

La majorité des services publics aux dysphasiques sont donnés, en centre de réadaptation, aux enfants de 5 ans et moins. Les services sont jugés insuffisants par les parents et ne sont pas uniformes à travers le Québec.

En milieu scolaire, l’aide est principalement offerte aux jeunes enfants et aux dysphasiques ayant le code 34 (déficience langagière). Pourtant, la majorité des dysphasiques ne sont pas clairement identifiés dans les données du Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur (MEES). De plus, selon l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec, 80 % des troubles d’apprentissage seraient reliés à un trouble du langage.

Le Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur (MEES) n’a pas de données  détaillées, par types de troubles,  sur les élèves en difficulté d’apprentissage (élèves sans code de handicap). Il n’a pas, non plus, de données sur l’ensemble des élèves dysphasiques. En croisant les données sur la prévalence de Tomblin et le nombre d’élèves avec code 34 au MEES, nous avons estimé que seulement 10 % des élèves avec trouble primaire du langage n’ont pas de code 34.  

Quelle est la place de la dysphasie dans les préoccupations en enseignement : est-ce un trouble cognitif, un trouble d’apprentissage ? Qui fait de la recherche sur ce trouble de langage, qui est observable au niveau du langage oral, mais aussi du langage écrit ?

La place de la dysphasie, autant dans le réseau de la santé que dans le réseau scolaire est difficile à situer … La terminologie changeante porte aussi à confusion … Déficience physique, trouble primaire du langage (santé), déficience langagière (code 34), trouble ou difficulté d’apprentissage (réseau de l’éducation).

La réadaptation, parce qu’elle peut toucher plusieurs aspects langagiers (phonologie, morphologie, syntaxe, sémantique, pragmatique) et non langagiers (attention, mémoire, motricité, déglutition, traitement auditif, nutrition, relations sociales, etc.),  implique un suivi de plusieurs années et représente un défi au niveau de la priorisation des objectifs.

Au Québec, on a  beaucoup misé, au niveau du réseau public de la santé sur les services (gratuits) aux  "0 - 5 ans" ... Le problème, c'est que les diagnostics ne sont pas tous posés à cet âge. L'autre problème, c'est que le niveau de langage nécessaire aux apprentissages scolaires est plus complexe que les premières notions apprises par les jeunes dysphasiques dans la petite enfance.

On entend parfois l’argument que donner des services aux dysphasiques couterait cher : or, le coût moyen pour desservir les enfants dysphasiques en centre de réadaptation est d’environ 4000 $. C’est peu en regard des handicaps (au niveau de la santé et au niveau socio-professionnels) causés par la dysphasie et des coûts ultérieurs pour la société. Et ces coûts sont aussi peu élevés si on les compare aux soins de santé reliés à certaines pathologies physiques chroniques.

La dysphasie est associée à plusieurs autres troubles (TDA/H, anxiété, troubles à l’écrit, dyspraxie, trouble du traitement auditif, etc.) : on ne parle pas assez de ce phénomène. Quels sont les liens génétiques entre les divers troubles neurodéveloppementaux ? Où en est la recherche génétique sur la dysphasie ? Fait-on assez de recherche pointue sur la réadaptation au Québec (en orthophonie et dans d’autres domaines) ? Qu’en est-il de la collaboration internationale au niveau de la recherche sur les troubles du langage ?

Les familles d’enfant dysphasiques se trouvent dépourvues quand vient le temps de consulter des équipes multidisciplinaires en santé, de trouver du matériel d’orthopédagogie ou d’orthophonie, spécialement pour les dysphasiques  de plus de 7 ans.  

Plusieurs dysphasiques d'âge scolaire n’ont pas les services de santé et de réadaptation spécialisée suggérés dans les recherches en orthophonie et n'obtiennent pas leur diplôme d’études secondaires. Ceci les met à risque d’avoir d’autres difficultés à l’âge adulte, dont des difficultés au niveau socioprofessionnel.

La prévalence du trouble primaire du langage est élevée et les conséquences reliées au trouble sont importantes : comme parents, on ne sent pas que cette problématique reçoit assez d’attention, autant en recherche qu’en prestation de services. C’est comme si l’importance des traitements pour les dysphasiques, en particulier l’orthophonie, n’était pas suffisamment reconnue, en santé, comme en éducation.

Depuis les dernières années, on sent toutefois un certain intérêt pour ce trouble.

Nous souhaiterions que des chercheurs de diverses disciplines de la santé et de l’éducation se réunissent pour étudier la dysphasie, d’un point de vue de la recherche fondamentale et appliquée.

Quelle forme cela pourrait-t-il prendre : une chaire de recherche, un centre de recherche, un réseau national ? Chose certaine, il serait intéressant de mettre sur pied une structure permanente et de réunir  de façon régulière tous les spécialistes québécois, afin de partager les données récentes sur ce trouble complexe.

Pascale Durocher
Rédactrice